AMOUR INCONDITIONNEL : MODE D’EMPLOI
Dans un monde où nous sommes assurément de plus en plus détachés les uns des autres, la faute premièrement aux contraintes systémiques qui gangrènent depuis des décennies disons-le l’humanité en nous, et deuxièmement de par « l’époque » que nous traversons depuis un an, contraints à l’éloignement physique avec nos congénères et à la distanciation, sous cette interdiction de contact, je me pose ce dilemme : est-ce un bien ou un mal pour l’amour inconditionnel et d’ailleurs qui est-il ?
Je ne parlerai pas d’amour dit classique, celui-là donc rationnalisé par le manque, raisonné par le besoin et se voulant comme moulé par les attentes égotiques et mentalisées, non, j’évoque bien cet amour que l’on nomme inconditionnel ? Existe-t-il ? Comment y accéder ?
Tant et si bien que nous acceptions être la somme de l’inné et de l’acquis, ce second nous conditionnant obligatoirement dès notre prime enfance à adopter des schémas, majoritairement ceux transmis par nos parents de par le système éducatif mis en place, pouvons-nous nous en détacher afin d’expérimenter ce que nous osons à peine formuler, dire au cours de notre vie : que nous aimions sans conditions, qu’une part ou même la totalité de nous échappe aux règles, que nous soyons dominés par tout autre chose que nos prédispositions à être dans la dualité, que nous marchions à ce qu’il pourrait s’apparenter à du contresens, tandis qu’il ne s’agirait que de l’expression véritable du Soi.
Parmi autant de personnes qui se revendiquent thérapeutes mais dont une minorité seulement maîtrisent somme tout l’accomplissement personnel au fruit d’un travail de longue haleine, sous la sobriété d’avoir permuté son passif, ses échecs et ses blessures en ce que j’appellerais « neutralité », cette notion d’amour inconditionnel traversent les bouches comme s’il était fatal et vulgarisé, propre à tous et applicable à chacun avec facilité, cela me parait faux et faussé.
Alors, loin de moi la prétention de déceler la maturité existentielle et la résilience de chaque individu, toutefois je me méfierais toujours des discours à ce point démocratisés et balancés avec aisance par tout un panel de prêcheurs de la bonne parole. Cela m’amène donc à ce questionnement de savoir ce qu’est réellement l’amour inconditionnel et comment peut-on le définir.
Ce qui me revient en tête comme un leitmotiv est de tout d’abord d’envisager la seule possibilité qu’un cerveau, qu’une conscience, qu’un état psychique atteigne ce niveau de détachement qui lui permette de ne plus sentir ni ressentir le moindre grief, l’infime colère, l’infinitésimale haine envers autrui ou bien lui-même, lorsque la paix a remplacé le remord, lorsque la tempérance a effacé le contrôle. Vient-il vraiment le jour, à force d’efforts et de compréhension, où tout semble aplani, comme délesté des lourdeurs, où nous pouvons aimer même son pire ennemi, où nous puissions convenir du Mal comme nécessaire. J’en doute… J’en doute car comme évoqué dans un précédent article concernant le lâcher-prise, tout n’est à mon sens que mémoire et si la programmation souffrante de cette mémoire se peut d’être éradiquée au travers de techniques de libération émotionnelles efficaces, en reste charnellement et psychologiquement toujours l’empreinte, sommant parfois le corps d’une douleur encore saisissante. Cet Ego, ravagé de heurts et de cicatrices, peut-il résister à la tentation de ne point pardonner ? Peut-il oublier le pire du pire, peut-il donc enlacer, aimer même le désamour ?
N’est-ce que le pouvoir de l’auto-persuasion que de se prétendre dans l’amour inconditionnel ? Cela mérite d’être posé… A quel moment pouvons-nous nous assurer que l’intégralité des « péchés » soient recouverts et pacifiés sous leur plus belle forme, et surtout, dans l’éventualité que cela soit réalisable, que faire pour y arriver ? Je me demande si jaillit le jour où, traçant, retraçant le fil de sa vie, mirant les photographies, s’en allant sur les routes du souvenir, plus aucune émotion instable ne se manifeste, si ce n’est dans la pureté d’avoir compris de ces âmes sur le chemin, qu’elles aient apporté chacune leur pierre à l’édifice, parfois dans la peine, parfois dans l’euphorie. Est-ce comme un point de non-retour qu’il faille atteindre afin de ne plus se retourner, accepter sans pour autant oublier, encore moins occulter au risque de la résurgence. Les faits de vie, pour moi toujours co et interdépendants à l’Amour, se révèlent-ils demain comme évidents et justes.
Et pour en revenir au titre, y-a-t-il un mode d’emploi ? Certainement pas, ce n’est ni via la transmission d’un savoir ni via l’automatisation de réflexes généralisés que l’on apprend de l’amour inconditionnel, il est impersonnel, il est personnel. Fuyons donc les éplorés mots qui froissent sa beauté, sa propagation miracle sonne comme un fléau car nul ne saurait finalement être aussi propice à l’expliquer, à le détailler, tant il est l’ébauche et la finalité d’une révélation autonome.
Tout effet de mode une fois de plus devient risible, l’amour inconditionnel n’échappe pas à ce constat, bien au contraire, il convient sur son parcours de s’exiler de cette pensée qui m’apparaît aux frontières de l’unique non de l’unicité.
Peut-on ne rien attendre de l’autre, car c’est en cela que réside le cœur de l’amour inconditionnel il me semble, sans configuration aucune, sans même présence, que la joie qu’il soit juste en ce temps, incarné et vivant.
Zøwie