SPIRITUALITÉ : EFFET DE MODE, EFFET MIROIR
Une fois n’est pas coutume, j’aime à dire et écrire sur tout ce qui prend un essor à la fois rapide et considérable et qui m’acte de la méfiance autant que sujets à débattre. En cela, la spiritualité n’échappe pas à la règle tant le mot est démocratisé de manière exponentielle depuis bien des années et surtout, utilisé à gogo dans toutes les bouches, certaines mêmes peu au fait de ce qu’il en est véritablement.
Mon questionnement est donc le suivant : qu’est-ce que la spiritualité ?
Se confond-elle en des dons que nous avons tous de manière innée ou est-elle une spécificité à quelques « élus » ou bien le fruit d’un apprentissage ?
Pouvons-nous réellement à un moment de notre existence nous proclamer comme spirituels et comment jauger de façon neutre que nous le sommes ou non ?
N’est-ce qu’une croyance, une facilité de rangement pour se convaincre d’être différent et surtout de se distinguer de la masse ?
Y-a-t-il des échelons de spiritualité, des acquis et cas de conscience et jusqu’où cela peut-elle aller ?
Autant d’interrogations qui donnent le tournis je vous l’accorde et qui permettent à tous de s’y intégrer, c’est en cela le risque majeur qui mérite à mon sens d’être soulevé.
Il me semble que comme toute activité qui se veut professionnelle, elle soit la combinaison équilibrée de théorie autant que de pratique, ainsi peu ont la sobriété et l’objectivité de se considérer en toute modestie. En effet, beaucoup pensent être investis de missions divines et ésotériques là où il n’en est rien, rien que la révélation somme tout triste d’egos non pacifiés voir surdimensionnés, de dépendance à l’image, fléau moderne, d’un manque de confiance et de recherche « d’audimat », le tout sous l’attente, celle de compliments et flatteries multiples.
Attention donc non au charlatanisme pur et dur, attention à la naïveté de ce que j’appelle les « faux-prophètes », dénués toutefois pour la plupart de mauvaises intentions, mais avec ce risque inhérent d’un savoir-faire ni maîtrisé ni même vérifié.
(Ma vidéo thématique/philosophique – Spiritualité et faux-prophètes)
La spiritualité, ce n’est pas ressortir ce que l’on a appris en passant des heures sur une chaise en salle de cours, ce n’est pas non plus croire que nos épreuves de vie nous donnent les compétences avérées en la matière.
La définition même tend à dire qu’elle est indépendante de la matière, pourtant la matière y prend place, contrairement à la religion ou le dogme qui n’ont lieu d’être en ses termes.
La spiritualité ne saurait d’ailleurs réellement se situer ni s’expliquer tant elle est affaire de chacun, d’un chemin initiatique menant avant tout à la connaissance du Soi. Et qui peut réellement prétendre à tel accomplissement ? C’est l’histoire pour sûr de toute une vie, de plusieurs…
Nul ne pourrait d’ailleurs affirmer être dans la paix absolue, dans la complétude totale tant notre condition d’Homme nous contraint à lutter chaque seconde contre nos démons intérieurs, il n’est ainsi rien de moins spirituel que quelqu’un qui pense l’être, mentant à son entourage, se mentant à lui-même quant à ses capacités, lorsque l’irrésolution des problèmes devient un cheval de course et la porte ouverte aux dérives.
Voyez-là depuis une dizaine d’années les thérapies alternatives et médecines proliférer et prendre des noms que je ne saurais même citer tant ils sont infinis. Pris donc à la fois dans une certaine défiance envers la médecine traditionnelle, également dans des envies de retours aux sources écologiquement parlant et dans une vague « tendance », la spiritualité est partout, les réseaux en sont abreuvés, les livres éclosent par milliers et les oracles en tout genre poussent comme des champignons… De quoi être dubitatif quant à la véracité des tenants et aboutissants, des idées derrière tout ce foisonnement.
Où et comment trouver les bons praticiens de la spiritualité ? Ceux qui exercent dans l’unique conviction de faire fleurir leur propre jardin, de parfaire leur voyage, lorsque le partage leur est salvateur, lorsque autrui n’est que le reflet de sa propre intériorité. Là se trouve toute la raison, la clé qui ouvre l’esprit.
Peut-être suis-je pessimiste et que mon regard est faussé mais je n’en ai croisé que peu. Où sont les véritables guides, ceux-ci entièrement détachés des menteries actuelles, centrés sur la philanthropie et non sur le nombril, ceux-là emplis de lumière mais sachant de leur ombre, ayant roulés leur bosse à coups de heurts, à coups de renaissance, aidant son prochain sans nul autre affect que la gentillesse en son antre.
Il n’est donc de spiritualité dans le démonstratif ni dans le besoin de reconnaissance virtuelle, son potentiel et sa potentialité sont discrets, timides mêmes, ne se comptent ni via un montant ni via une somme, dans la considération bienveillante sans tomber dans le pathos, dans la facilité de l’Amour universel, qui là aussi représente une case pratique où tout ranger, où se donner bonne conscience.
La spiritualité, ce n’est pas non plus choisir cette voie par défaut, par ailleurs ce n’est guère un choix, c’est une route où nous devons y retranscrire nos plus belles émotions sans jugement aucun, dans la tempérance des faits passés, de ce qui nous a fait grandir, arriver, arrimer ici, avec la difficulté palpable de ne point percevoir en l’autre ni l’ami ni l’ennemi, qu’un lien connectable, qu’un moment juste.
Je m’offusque donc et continuerai à m’offusquer devant l’opulence, l’excès de propos, de méthodes se voulant spirituelles mais qui ne font que déguiser de l’égocentrisme, car si la spiritualité est en vogue, elle se devrait avant tout d’être authentifiée devant sa propre vérité, déposée ici à la glace, baissant les masques, ouvrant son cœur.
Zøwie