JE ME SOUVIENS
Je me souviens avoir débarqué tel un américain d’après-guerre
Sifflotant aux quatre coins de l’herbe histoire de ne pas avoir l’air
Perdu comme étaient ceux qui sifflotaient plus fort encore
Que le chant des cigales qui se faisait entendre au dehors
Je me souviens d’une cantine glaciale où s’entremêlaient les bruits
Vacarme assourdissant d’êtres humains pris au piège des souris
Englués et agglutinés à un essaim de malbouffe glissant crasseux
Sur un paillasson mécanique en acier où se débattent les pagailleux
Je me souviens avoir eu le doute qui prend au cœur et sans parti
Comme l’on pense à faire machine arrière aux premiers pas indécis
Loin de ces rivages domestiques qui virent une ombre grandissante
Un compagnon curieux loin de moi ouvrant sa grande bouche béante
Je me souviens d’étrangers à la peau blanche, mate, jaune ou noir
Des individus en uniforme bleu nuit ayant la cravache en remparts
Une incision à l’esprit et cette idée que loin des yeux loin des peines
Mettre les voiles au sein de murs opaques le hasard dans les veines
Je me souviens d’un aller-retour furtif en train vers la capitale
Des retards au métro en se précipitant sacs à la main en cavale
Afin de s’assoir, des heures durant dans un amphithéâtre soporifique
A entendre des hommes cravatés nous dire comment être drastique
Je me souviens d’un voyage qui d’impression aura duré une vie
Et pourtant cela ne fut au final que quelques semaines éblouies
Un rythme infernal et crescendo sans contretemps ni même arrêts
Venant donner le repos bien mérité au troubadour de la paix
Je me souviens être arrivé tel un martien sur cette planète azure
Décrochant ce boulet pesant au pied étant maintenant d’âge mûr
Avant de se retourner sur les années passées, effaçant le recto
A écrire à l’encre indélébile ces frasques dans le creux de mon dos
Zøwie. Comme un goût d’imparfait. 2016. Poésie n°64.