Into the wild – Critique

INTO THE WILD – Critique filmique

 

APPROCHE SCENARISTIQUE

Pour résumer le tout, c’est l’histoire d’un jeune homme qui, pris dans les trames familiales et dans les fadeurs de la haute société, décide un peu sur un coup de tête il faut bien le dire, de partir à l’aventure. Attention, concept débordant et génialissime : plus que découvrir la nature et ses reliques, il espère « là-bas » explorer son moi intime et ainsi devenir l’anti-thèse éducationnelle que ses pères ont tenté de lui inculquer… Idée vue, revue et étayée dans environ 40 000 films avant lui, dont pour ne citer qu’eux, les films américains des années 30 avec en ligne de mire cette ruée vers l’or qui fait des Hommes des hommes et blabla et blabla, approche machiste que Clint Eastwood a amplement démocratisé… Bref, rien de nouveau il faut être honnête dans l’écriture, même si à sa décharge, il s’agit bien entendu de l’adaptation d’un livre, ce qui ne permet clairement pas au metteur en scène quelconque déviance littéraire. Quoiqu’il en soit, aucune excuse quant à la faiblesse du propos, l’histoire d’un rêve contraint et forcé qui tourne rapidement en une lutte tant environnementale qu’intérieure se terminant, n’ayons pas peur des mots, en eau de boudin et non en eaux de l’Alaska [humour]. Par ailleurs, je ne reviendrai pas sur cette histoire de baie toxique, ingurgitée par mégarde [rires]. Comble du comble, cette fin se veut moralisatrice « Le bonheur ne vaut que s’il est partagé », sous-entendu navrant de ce jeune homme, qui en guise de mea culpa, n’aura décidément rien tiré de ses péripéties. Il n’est, au grand dam de tout un peuple, ni un héros, ni un féru protagoniste de l’« American dream », ni même un martyre. Il ne fut et ce sera malheureusement, qu’un homme comme les autres, succombant à son ignorance et à son inculture.

 

APPROCHE REALISATION

Sean Penn à la réalisation, même si ce n’est pas sa première touche, plutôt habitué au longs-métrages policiers purs et durs (l’excellent « Colors »), est une bonne surprise, mais une nouvelle fois, ses lacunes dans le domaine de l’image se font très vite sentir : rythme excessivement lent, raccords pas toujours soignés et surtout, jamais à la hauteur de l’esthétisme qu’aurait dû avoir le film. Et ouais mon Sean, tout le monde ne s’improvise pas Terence Malick ou Andreï Tarkovski, eux au moins, avait la faculté de filmer une goutte d’eau ou les oscillations d’un arbre avec poésie et totale maîtrise de leur art. Ici, la nature joue un second rôle tandis que tous attendions à ce qu’elle bouffe l’écran. Celle-ci est pâle, dénuée d’intérêt et profondément ennuyeuse. Jamais le spectateur n’est pris au jeu du repos, jamais nous ne sentons en elle ce bien-être qui serait la voie royale vers un autre monde, une autre vie. Les jeux de lumière sont fades, quasi-inexistants, la pluie y est grise et l’eau noire, comme la cohérence stylistique, coincée entre surréalisme allemand et lourdeur américaine d’après-guerre. S’il faut y voir une sorte de patriotisme infantile, alors c’est une nouvelle fois raté, la guerre-froide est morte et enterrée, le film à 50 ans de retard…

 

JEU D’ACTEUR(S)

Emile Hirsch j’ai nommé, ambassadeur du non-charisme et du nihilisme cinématographique, gueule d’ange pourtant si vide… Voulant faire passer son personnage pour le symbole de la génération sacrifiée, piétinée par l’argent et le pouvoir, sa prestation restera dans les anecdotiques annales de la pléiade des statiques acteurs. Il se devait fragile, blessé par son conditionnement, il n’en ressort que de l’amertume, le rictus d’un jeune premier qui, soi-disant blessé par les distances et la solitude, ne sera au final munis que de pieds d’argile… Toujours dans la plainte et l’accusation, Hirsch nous livre un résultat bien loin de son potentiel, quoique nous resterons tout de même dubitatif à en juger par cette performance… Si au moins nous avions pu percevoir dans ses yeux cette once d’espoir et de force qui manque cruellement au film, mais comme un état de fait répétitif, il accuse le coup, encore et toujours sous le poids des événements, le regard hagard et perdu dans cette verdure étrangère, le regret comme seul ami… Révélation simple et simpliste : pour endosser le rôle d’un géant, mieux vaut s’appeler James Dean…

 

AUTRES POINTS DE VUE

Peut-être le seul point réellement positif de ce film, la photographie n’est pas sans nous rappeler la mode des « survival » d’aventure du type « Randonnée pour un tueur » ou l’exceptionnel « Délivrance », maigre consolation pour une beauté qui aurait vu le jour si et seulement si, les fabricants de rêve n’avaient été de sombres producteurs… Je ne parlerai pas de la bande son, que je n’ai pas réellement écouté, peut-être rattrape-t-elle l’absence d’envolées lyriques de cette ballade irlandaise, sans ballade et sans Irlande… Si certains s’y retrouvent dans le film, on ne peut les blâmer, le message est propre, sentimental et fiable, bien pris dans son époque, celle de gens robotisés, nécrosés par la technologie grandissante et l’oubli des fondamentaux. Pour ce point le film mériterait un 20/20 si Fritz Lang n’avait pas sorti son jubilatoire « Metropolis » il y a 85 ans de cela… L’identification à cet homme qui brise les chaines du système est un point de vue tout ce qu’il y a de plus anarchiste, idéologie de l’anomie en fond d’écran. Finalité : manque d’équilibre entre violence introvertie et mise en scène pubère d’un réalisateur qui s’est cherché le temps de deux petites heures, sans se trouver…

 

Je conclurai en disant que si le doute est permis, si se tromper de chemin est humain voir souhaité, on ne met pas en scène la tragédie humaine via un simple voyage, on ne narre pas une histoire se voulant épique et intense en constatant naïvement un échec. Il n’y a ni destin ni fatalité pour le voyageur, ses choix sont siens et afin de filmer son épopée, il faut être soi-même, voyageur…

 

Zøwie. 2015.

 

Author: Zøwie

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