J’ALLAIS AU CIMETIÈRE
J’allais au cimetière visiter ma famille couchée par-ci par là
Un crachin se faisait la malle autour des nuées de gravats
Et je me disais en contemplant aphasique les rangées placides
Qu’un jour pour moi aussi il y aurait nul doute une place vide
Quelques fleurs jetées sur l’acajou vernis de son rouge
Et tout en haut le regard naïf des parentés qui ne bougent
Emus ou heureux de voir l’esprit descendre ici la stèle
Les pétales de l’existence s’envoler si l’on y croit au ciel
J’allais au cimetière saluer la mémoire de mes aïeux
Des visages d’un autre siècle qui paraissent à mille lieux
De ce que la vie réserve maintenant, qu’un lent décompte
La ronde indécise d’une trotteuse qui tourne puis monte
Au-delà des marches d’un escalier sans début ni même fin
Que les années passent or c’est à la terre qu’on appartient
La nature reprenant ses droits, une eau trouble sous les ponts
Et mon âme torturée par autant de questions
J’allais au cimetière tandis que la pluie dévalait les roches
Quand les images s’enrhument et les visages s’accrochent
A ne point céder aux larmes parmi les monceaux de rires
Que cela créerait si seulement nous osions ainsi dire
Ces mots qui se taisent et ce silence imprononçable
L’atmosphère impassible qu’ont les mises en sable
Je fixais avec insistance l’apathique devant mes yeux
Criant de peine qu’il soit dans les mœurs tant d’adieux
Zøwie. Rapports du front. 2016. Poésie n°21.