De la vulgarisation du lâcher-prise à l’art du renoncement

DE LA VULGARISATION DU LÂCHER-PRISE

À L’ART DU RENONCEMENT

 

Qui s’en est allé sur les chemins de la thérapie individuelle, qu’importe son intitulé ou sa branche, a obligatoirement croisé en route cette notion de lâcher-prise qui, revenant tel un leitmotiv empreint d’apparente sagesse, sonne comme le gong d’une vérité universelle et du salut pour celui qui, pris aux rouages de ses problématiques diverses, se voit accablé de maux divers sans savoir comment s’en extirper.

 

Il semble ainsi aisé voir primaire pour tout thérapeute qui tienne d’en prononcer à tout-va cette formule magique, à tous les patients, à toutes les sauces, sans pour autant de une en percevoir le fait que le mot soit devenu lourd sous sa propagation massive, et de deux que peut-être n’est-il pas forcément aussi juste que cela.

 

Pourquoi lâcher-prise ? Si je prends l’image de l’ascension d’une montagne qui semble finalement trop haute pour celui qui pensait pouvoir la gravir, il conviendrait dans la conscience commune d’ainsi donc lâcher la corde, le piolet et tout le reste qui font que nous restons « accrochés » à cette paroi, bourrés de résistances physiques, émotionnelles et mentales, certain de ne pas rejoindre le point culminant. Que se passe-t-il pourtant si je lâche si ce n’est que la chute avérée et la réception au sol des plus mortifères… Est-ce là la finalité désirée ? Permettez-moi d’en douter…

 

Bien entendu cela n’est qu’une image, toutefois elle semble plus concrète qu’il n’y paraît à première vue. Pour l’adapter au discours thérapeutique et spirituel il y va en réalité de même. Tout d’abord la lecture première du mot est contradictoire (lâcher/prise) et surtout, beaucoup en divulgue le propos sans en donner les outils nécessaires, s’emparant de la forme et non du fond. Au final, c’est un peu comme souffler dans le vent…

 

En partant du principe qui est mien, qu’il est impossible d’être dans le lâcher-prise total puisque situation dite traumatisante il y a ou il y a eu dans la matière, et à moins d’ôter la partie cérébrale relative à la mémoire, une quantité plus ou moins importante d’éléments viennent inexorablement à rester, surgir et resurgir dans le temps, l’on ne peut « que » faire en sorte que ces éléments ne recèlent plus un caractère souffrant, et en aucun cas le lâcher-prise dans sa conception de réussite évidente et dirons-nous extrême ne saurait être vrai puisqu’à mon sens trop manichéen. Tout n’est pas affaire de disparition mais de contraste dans son positionnement, ses ressentis.

 

Cela serait oublier qu’il faille vivre, c’est condition d’Homme, avec les scories de son passé et de son présent, et ici réside toute ma pensée que je tente de transmettre dans la formulation « de l’art du renoncement » qui me parait plus adéquate. J’y vois ici, métaphoriquement une nouvelle fois, une manière non radicale comme le voudrait le lâcher-prise, mais plutôt un travail plus subtil, comme si il était plus propice de tourner lentement le dos, voyant là les efforts consentis, ne reniant point ce qu’il en est et a été, bien au contraire, dans l’acceptation disons-le d’un deuil, d’un vivre avec plutôt que dans la contrainte du sans.

 

Lâcher-prise, ce n’est pas être fort, ce n’est que l’application somme toute dégradante d’un concept devenu hélas faussé avec le temps, employé par des diseurs de bonne aventure pour remplir leur agenda, leur porte-monnaie et leur persuasion à être investis de quelconque « don ». C’est abandonner une partie de soi, se renier en quelque sorte et se permettre de croire à un oubli imaginaire, vérolé de ces certitudes et croyances que tout vient à se perdre. C’est omettre le pouvoir inestimable de la psyché, sa capacité de stockage et à créer le voile de l’illusion tout en alimentant négligemment les racines du problème.

 

Renoncer, ce n’est pas être faible, c’est arriver au stade de la compréhension de soi dans la distance, l’écart et le respect, le tout sans se jeter aveuglement dans le grand vide, c’est continuer de tenir cette corde en la serrant moins fort, accueillant le constat qu’il faille redescendre en douceur, avec la souplesse de sa vérité, regardant le sommet avec tristesse mais toutefois sans regrets. C’est ce processus long faisant de demain non un jour meilleur mais un jour seul, ensemencé de toutes les parts de l’Être, bonnes et mauvaises, et se dire que si la tête se baisse c’est afin de la relever, que les genoux se plient afin d’être redressés, que le dos s’arrondit afin d’être consolidé. Renoncer, c’est l’équilibre délicat entre avoir cru, et désormais savoir, c’est la preuve même que les affres puissent vivre en paix en soi, que la résilience est.

 

Zøwie

Author: Zøwie

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