Avons-nous encore notre libre-arbitre ?

AVONS-NOUS ENCORE NOTRE LIBRE-ARBITRE ?

Qui suis-je réellement ici à écrire ces mots ? N’est-ce que le prolongement de mes bras, de mes doigts, qui vont à faire paraître sur la page, sur l’écran, un texte, des pensées.

Suis-je guidé uniquement par mon esprit, lorsqu’il décide de faire, de vivre ceci à cet instant, et d’ailleurs, suis-je véritablement guidé ?

A quel niveau de conscience je me situe pour avoir l’espoir que cela soit lu, peut-être compris, du moins entendu. N’est-ce que le besoin primitif de poser là des palabres, imbriquées les unes ou autres pour y fonder un sens, le mien, on ne peut plus personnel mais cependant dénué de cette volonté qu’il me soit rendu par quelconque faveur, juste le désir, la joie d’y voir la proximité d’un échange. Quelle est ma légitimité ? Ces explorations intimistes sont-elles le lot de tous durant notre passage sur Terre ?

Ici, en cette époque conditionnée et conditionnelle, sous la coupe et disons-le la risée des communications virtuelles, où vont les espoirs si ce n’est qu’en éphémérides, qu’ils soient le fruit d’un sourire au coin des lèvres et de la plume, puisque simplement perçus, saisis l’espace d’un instant par autrui, partagés, sans cette profondeur qui donne à l’Homme son essence.

Est-ce donc ainsi que j’existe, dans l’attente de perceptions, de captations ponctuelles et tristement de façades qui m’amènent ainsi à ce questionnement initial : avons-nous encore notre libre-arbitre ?

Le pouvoir décisionnel, dans la pleine acceptation qu’il ne soit jamais la conséquence de l’épouvantable Ego ou des déviations du mental, peut-il naître en sa sagesse absolue, perdurer et avoir sa place au sein d’une société où le refus est roi et où la critique est stérile, faute à l’intellect qui s’amenuise, au respect qui flanche.

Comment interagir aujourd’hui puisqu’il me semble que nous ne soyons réduits qu’à la condition vectorielle, passagers d’un temps fade, accueillant les nuages sur la temporalité comme s’ils étaient fatals et résolument sains, ayant figés nos yeux depuis la plus tendre enfance sur ce qu’il était de mal, sans soleil, ou comment l’art de la vision du verre à moitié vide a déterminé nos vies actuelles.

Quel éclat a désormais le libre-arbitre au moment où tout va à vau-l’eau, où tous sommes la compilation de données erronées, bâties sur du cristal, vérolées par la matrice, régentées par la dissociation entre savoir-faire et savoir-être.

Où est notre plein rayonnement, non celui-ci par lot d’images que l’on publie, arborées de mille filtres qui dénaturent même la peau et les visages, pour la pérennité d’un commentaire, lorsque nous nous sentons si peu en confiance vis-à-vis de soi-même qu’il faille en demander l’adoubement par autrui.

Quel monde de fou est-ce là pour que les belles personnes soient en proie au doute tandis que l’Ombre, insatiable et grandissante, occupe autant de sièges délaissés, vacants par manque de foi, lorsque le zèle, dans sa mauvaise conception initiale, parfait des légions de soldats sans âme, que les discours de haine sont déguisés sous l’amour.

Pourrais-je décider de penser, marcher et vivre en toute légèreté de l’Être sans que cela soit confronté à une réalité imposée, qui, s’immisçant par la peur, voit nos jours vaciller d’indifférence, de latence et de leurre, nous contraignant à feindre l’essentiel : sa vérité.

J’ai souvent fait le constat par la parole que les masques sont si nombreux que plus rien ne semble vrai, si ce n’est la construction machinale, de l’enfant à l’adulte, d’un personnage sous des costumes, qu’il revêt comme trophées tandis qu’ils ne sont que la révélation de sa propension à s’égarer, à se perdre au mensonge, à la défiance.

Et si le libre-arbitre n’était plus que dicté, enseigné par nos pairs et pères tant il faille être propre en ces cases, un modèle, un cliché fixe, qui jamais ne s’accomplit, jamais ne cherche à deviner l’imperceptible raison d’être, jamais ne transite autrement que via le matérialisme ambiant.

Je plains alors ces générations qui n’ont guère connu l’allégresse somme toute libertaire et pourtant terriblement fondatrices lorsqu’elle se manifestait par l’extériorité, celle du jeu, de la jouvence de quelques camaraderies, afin que l’intériorité soit embellie sitôt d’authenticité.

Qu’avons-nous à transmettre à nos enfants si ce n’est l’art de la richesse du cœur, et puisque l’histoire et l’Histoire ne sont plus nôtres, ainsi disparues avant qu’elles ne prennent forme, soyons légers sans être superficiels, soyons fous sans être déments, soyons ce que nous dénions être au fond : sensibles.

Il n’est de changement, ou à en préférer le terme d’évolution c’est au choix, sans abstraction des souffrances passées, présentes et futures, tout se doit d’être révolu et non révolution, dans la conscience d’avoir parcouru le chemin par maintes routes, parfois dans des détours salvateurs, où la justesse ne prendra effet qu’au renoncement des regrets les plus sombres, qu’à la croyance en ses rêves toujours.

Et si, incarné ici en ce siècle, en ces décennies où toute distance sociale et humaine est exponentielle, nous nous contentions de vibrer, d’aller regarder l’aube s’élever sous un voile ocre, si nous allions saisir la rosée blanche en nos mains, voir la fleur éclore sous le vent, mirer le soleil en sa voute bleue, vivre chaque seconde comme si elle était la dernière, ne point débattre en vain sur des sujets fâcheux, voguer sur une modique barque sans savoir du trajet, sans l’influence même de terres nouvelles, que la jouissance de l’aléa puisque rien est contrôlable et pourtant assurément, rien est hasard.

Si pour une fois nous lâchions l’armure, le casque et l’épée pour y forger son espérance, dans la complétude d’y croire, dans l’intuition de notre grandeur d’Homme, sans avoir cette féroce avidité de prouver à quiconque sa force, serions-nous meilleurs ? A nous d’en décider. Nous serions pour sûr en accord en soi, sans la nécessité d’avis et d’opinions, sans la soif ou la faim à monnayer pour quelque infortune sa fortune, le libre-arbitre ne serait ainsi nullement à trancher, il viserait à construire l’identité sans parasitage intensif, jusqu’à cet éveil, mot bien trop vulgarisé mais ayant le mérite symbolique et réel d’un jour sentir les battements en leur entièreté.

Ici il n’y aura plus de réponses à chercher, plus de questions, le libre-arbitre sera.

Zøwie

Author: Zøwie

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